En France, les directeurs d’hôpitaux et d’établissements médico-sociaux publics sont formés à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), à Rennes. Au cours de leur scolarité de 24 mois, ils ont l’opportunité de réaliser un stage à l’étranger. Six d’entre eux la team Argentina, sont partis à la découverte du système de santé argentin à l’automne 2017. Claire Velot-Lerou nous en présente les grandes caractéristiques du système de santé argentin.
Le système de santé argentin se fixe comme objectif premier d’être universaliste. L’article 14 bis de la Constitution argentine prévoit que l’Etat garantisse un accès à la Sécurité Sociale à tous ses habitants et laisse la loi n°23.661 du 29 décembre 1988 en fixer les conditions.
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Les oeuvres sociales
Les principaux acteurs du financement de la santé sont les œuvres sociales. Les œuvres sociales sont adossées au syndicat majoritaire de chacune des branches de travail et se chargent de collecter 9% des salaires mensuels des travailleurs de la branche (6% directement sur le salaire et 3% payés par l’employeur). Ces cotisations garantissent aux travailleurs de pouvoir se faire soigner pour certains dans des hôpitaux qui leurs sont dédiés ou au sein de services de certains hôpitaux publics. Par exemple, l’œuvre sociale des employés du commerce et des activités civiles met à disposition exclusive l’hôpital du Sacré Cœur à Buenos Aires aux employés de la branche d’activité.
Il existe environ 300 œuvres sociales au total dans le pays et chacune doit répondre à un programme médical obligatoire (PMO). Toutes les œuvres sociales doivent rembourser les actes médicaux inscrits au PMO. Il s’agit de la couverture minimale qui doit être assurée à chacune des branches d’activité. Selon la force politique du syndicat, le nombre de personnes appartenant au secteur d’activité et l’organisation de l’œuvre sociale, celle-ci a un pouvoir d’action plus ou moins grand. Afin de s’assurer que chacune des œuvres sociales puisse couvrir les besoins en santé des salariés de la branche, une super-intendance du service de santé (SSS) a été mise en place. Elle a vocation à prélever 15% des recettes de chacune des œuvres sociales pour les redistribuer ensuite au travers du fonds de redistribution aux œuvres sociales ayant moins de revenus. Cette solidarité entre les œuvres sociales permet à chacune de respecter le PMO.
En sus du système des œuvres sociales existent les « prépayés » qui fonctionnent selon le principe des mutuelles en France. Elles permettent notamment d’avoir accès à un plus grand confort dans la prise en charge médicale. N’étant pas obligatoires et chères, seulement 10% de la population en bénéficie.
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Les prépayés
Les personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir un « prépayé » et qui ne travaillent pas ne sont pas exclues du système pour autant. Les hôpitaux publics ont l’obligation de soigner gratuitement toute personne entrant dans leurs enceintes. Cette obligation est de droit pour toute personne, qu’elle soit citoyenne argentine ou ressortissante étrangère.
Ainsi, le système de santé argentin repose sur un double principe de solidarité entre les travailleurs d’une même branche et plus généralement entre les personnes ayant un emploi et celles en recherche d’emploi.
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Challenges
Ce système universaliste et solidaire, qui ressemble en de nombreux points au système français, se heurte à certaines difficultés. La première résulte de la construction d’une solidarité intra-branche professionnelle, ce qui a pour effet d’offrir une couverture sanitaire différenciée selon le type d’emploi occupé. L’accès aux soins est plus ou moins facile selon le pouvoir de la branche professionnelle et de son syndicat majoritaire. De plus, l’enrichissement de certains syndicats et de leurs présidents amènent les citoyens argentins à réclamer une organisation moins politisée et plus transparente. Les liens entre syndicat professionnel et œuvre sociale en charge de la couverture des besoins sanitaires sont questionnés.
D’autre part, l’ouverture des hôpitaux argentins à tous a pour effet de confronter les professionnels de santé à de véritables questions éthiques. Du fait du système de dotation financière générale les services reçoivent une enveloppe annuelle qui a peu de possibilités d’évolutions pour l’année en cours. Par conséquent les médecins prévoient leurs besoins en médicaments et produits médicaux pour l’année selon le niveau d’activité anticipée. Une grande partie des pays voisins de l’Argentine ont un système de santé privé ou n’offrant pas le même niveau de garantie de couverture sanitaire, ce qui les amène à venir se faire soigner en Argentine. Dans le cas du service de neuropédiatrie de l’hôpital Garrahan, le chef de service soulignait la difficulté de savoir comment choisir à qui faire bénéficier de traitements pris en charge par la solidarité nationale lorsque ceux-ci sont en nombre limité. L’ouverture des soins à tous et leur gratuité dans un contexte financier contraint amènent les professionnels de santé à être confronté à des situations très inconfortables. Ils demeurent très attachés à ces valeurs clefs de leur organisation hospitalière mais l’afflux de patients étrangers est de plus en plus questionné, tant par les hospitaliers que par les patients qui se trouvent démunis.
L’Argentine étant un pays fédéral l’organisation de l’offre hospitalière se prévoit à l’échelle des provinces et de la ville autonome de Buenos Aires (CABA). Dans les 23 provinces du pays et dans la CABA les pouvoirs exécutif et législatif locaux mènent la politique de santé publique à l’échelle du territoire. Chacune des provinces se divise ensuite en régions et en départements. Dans le cadre de ces divisions administratives il existe des hôpitaux de niveau d’importance divers : des postes de santé dans les endroits les plus isolés, des hôpitaux municipaux, des hôpitaux provinciaux (plus grand hôpital de chacune des provinces) et des hôpitaux nationaux (SAMIC).
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