Le burn out à l’hôpital est un problème qui se retrouve dans de nombreux système de santé internationaux. Chaque pays recherche des solutions à cet enjeux majeur tant au niveau humain que pour la qualité des soins. Voici quelques pistes expérimentées à l’étranger.
Créer de nouveaux modes de financement de la santé:
De nombreux systèmes de santé abolissent la T2A et sa course sans fin à l’activité et développent des modes de financement dits « à la valeur » comme le financement au parcours du patient. Ces modes de financement s’appuient sur des indicateurs financiers mais aussi qualitatifs comme par exemple le taux de réadmission à 30 jours. En Suède par exemple, le financement des prothèses de hanche ne se fait plus que sur la base d’une enveloppe destinée à financer l’ensemble des soins nécessaires, de l’hôpital à la rééducation. Cette approche permet de retrouver le sens de la prise en charge globale du patient et de renforcer les liens entre les différents acteurs. Il faut cependant noter que ces nouveaux modes de financement maintiennent une notion de coût : les finances publiques ne sont pas extensives et leur utilisation efficiente tant en terme de coût que de meilleur résultat possible pour les patients est indispensable. Il faut aussi souligner que ces modes de financement, s’ils ont plus de sens, impliquent aussi des évolutions importantes des pratiques médicales et soignantes. En effet, ils nécessitent une plus grande coordination de l’ensemble des acteurs et une approche pluridisciplinaire moins centrée sur la compétence médicale.
Réorganiser l’offre de soins:
De nombreux pays sont confrontés à une équation aussi complexe que la France. Dans un contexte budgétaire et démographique contraint, une réflexion d’ensemble permet de clarifier la répartition de l’offre de soins plutôt que de laisser le « marché » (pénurie médicale, baisse d’activité…) décider. L’Irlande du Nord, avec sa réforme « Transforming Your Care » dont je parlais cet été ici et ici est un exemple inspirant. Plutôt que de laisser les pressions qui s’opèrent sur le système de santé façonner de son avenir (vieillissement de la population, développement des pathologies chroniques, finances publiques exsangues, etc.), une réflexion d’ensemble a été engagée avec les acteurs pour transformer fondamentalement le système de santé. Cela a amené le gouvernement d’Irlande du Nord à transférer les ressources des hôpitaux vers les soins à domicile, moins coûteux et correspondant mieux aux attentes des patients. Des fermetures de service, le regroupement de l’offre de soins techniques (blocs, maternités, etc.) sur moins de sites, mais aussi l’ouverture de maisons de santé pluridisciplinaires et de centres de proximité ont été décidées, en recherchant une répartition permettant de répondre aux besoins de la population.
Réinventer les pratiques managériales :
Au vu de l’évolution du profil des professionnels de santé, le maintien d’un statu quo des pratiques managériales est insatisfaisant. On voit bien dans le documentaire d’Arte que les solutions viennent souvent des équipes elles-mêmes, et de leur capacité à identifier des solutions à leurs problématiques du quotidien. Certaines méthodes managériales, comme la méthode « lean» visent à donner l’initiative aux équipes. Certains réfléchissent déjà à l’application du concept de l’entreprise libérée aux hôpitaux, comme l’explique Frédéric Spinhirny dans son article « Management et hôpital libéré ». A l’étranger, il existe des exemples de questionnement en profondeur de la hiérarchie traditionnelle du monde de la santé. C’est par exemple le cas de Buurtzorg aux Pays-Bas (qui commence à se développer en France avec l’association « Soignons Humain »). Cette entreprise de soins à domicile à but non lucratif repose sur un modèle simple : des petites équipes autonomes d’infirmiers diplômés d’Etat, chargées d’assurer la prise en charge globale d’un ensemble de patients à domicile. Ces équipes s’auto-gèrent pour assurer une prise en charge centrée sur les patients et leurs proches. L’entreprise offre un soutien logistique et technologique (en particulier un logiciel informatique permettant de partager les informations en temps réel) mais aucun lien hiérarchique ni managérial. Equipe de 4 infirmiers en 2006, Buurtzorg en compte 8 000 en 2014. Un rapport de KPMG de 2012 explique que « le programme est centrée sur des infirmiers (plutôt que des aides-soignants ou des auxiliaires de vie) qui sont chargés de délivrer l’ensemble des soins dont a besoin le patient à domicile. Même si le coût horaire est plus élevé, le bilan final est positif car il y a eu besoin de réaliser moins d’heures. En effet, en changeant le modèle de soins Buurtzorg a réduit de moitié le nombre d’heures de soins, amélioré la qualité des soins et augmenté la satisfaction de ses employés ».
Améliorer la qualité de vie au travail des soignants:
Le concept de Magnet Hospital a été inventé aux Etats-Unis. Il caractérise des hôpitaux attractifs, qui attirent et retiennent un personnel soignant qualifié et motivé en dispensant des soins de haute qualité, en promouvant des pratiques infirmières d’excellence et en développant l’innovation soignante. Un label « Magnet » a été créé en 1990 par l’Association Nationale Infirmière Américaine pour évaluer et valoriser les hôpitaux les plus vertueux en termes de qualité de vie infirmière. Une étude menée parmi 500 hôpitaux démontre que l’environnement de travail est notablement meilleurs dans les hôpitaux labellisés « Magnet » que dans les hôpitaux classiques. Le niveau d’insatisfaction et de burnout des infirmiers y est inférieur (-18% et -13%).
Faire évoluer les mentalités sur le burnout médical :
Aux Etats-Unis, des études ont montré que 40% des médecins présentent des signes de burnout, soit 10% de plus que le reste de la population. Ce sujet a longtemps été tabou mais l’AMA (American Medical Association) s’est saisie de ce problème de santé publique majeur en créant un site dédié : « Steps Forward ». Le burnout est défini comme une réaction au stress caractérisée par une dépersonnalisation (y compris des attitudes cyniques ou négatives à l’égard des patients), un épuisement émotionnel, un sentiment d’échec personnel et un manque d’empathie pour les patients. L’AMA propose aux responsables de service à un ensemble d’outils à télécharger pour travailler à réduire le stress et améliorer la prévention du burnout. Des tactiques concrètes sont proposées pour améliorer le sentiment de contrôle et de chaos dans les services soignants (notamment en agissant sur les plannings et en externalisant les activités chronophages comme le codage), pour améliorer l’esprit d’équipe et la communication, et pour évaluer et monitorer le risque de burnout.
Au final, des solutions sont possibles pour sortir l’hôpital public du burnout. Il s’agit pour l’ensemble des acteurs du système de santé de s’en emparer, de l’aide-soignant au chef de service, du directeur d’hôpital au ministère de la santé. J’approfondirai l’étude des différentes pistes esquissées dans les semaines à venir.
Pour aller plus loin :
- Site de Buurtzorg :
https://www.buurtzorgnederland.com
- Site de l’accréditation Magnet :
https://www.nursingworld.org/ancc/
- Site de l’American Medical Association dédié au burnout :
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