Le financement de la dépendance est au cœur de l’actualité dans de nombreux pays où l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale est prise en tenaille entre des besoins grandissants liés au vieillissement de la population et des ressources toujours plus contraintes. La comparaison internationale est une source d’information précieuse pour identifier et évaluer les options de réforme pour sortir de la crise.
Le système de protection sociale anglais a connu de nombreuses réformes depuis les années 90 sans réussir à trouver d’équilibre durable. Une nouvelle réforme est prévue en 2018. Les options envisagées sont instructives pour les autres systèmes de santé, confrontées à des pressions similaires à l’Angleterre :
- Une demande croissante à mesure que la population vieillit et que plus de gens vivent plus longtemps avec de multiples affections de longue durée, handicaps physiques ou démences.
- Une qualité des soins aux personnes âgées « améliorable ».
- Des établissements médico-sociaux de petite taille et souffrant d’importantes tensions financières, entraînant un important turn-over sur le marché dû à des faillites et sessions d’activité.
- Un déficit de personnels qualifiés dans un contexte de besoin de main d’œuvre croissant.
La réforme visée par le gouvernement du Royaume-Uni pour le système sanitaire et social anglais poursuit plusieurs objectifs :
1. Intégrer les soins
Améliorer l’intégration de l’offre de soins sanitaires, sociaux et médico-sociaux. C’est ce qui est visé par le « Better Care Fund », un fond qui finance des « meilleurs soins ». Le Better Care Fund assigne des objectifs de résultat à toutes les régions en Angleterre mais avec une approche pragmatique sur les moyens. En effet, cette réforme part du constat qu’il n’y a pas de solution unique pour mieux coordonner les services sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Les autorités locales ont donc une certaine flexibilité pour choisir la manière dont le Fonds est dépensé. En revanche, les dépenses doivent impérativement améliorent les performances des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux sur les quatre indicateurs suivants:
- Retard dans les prises en charges et transferts de soins;
- Nombre d’admissions non-sélectives;
- Taux d’admission dans les foyers et les établissements d’hébergement;
- Efficacité de la rééducation.
2. Créer un système de financement durable
En 2014, le « Care Act » comprend un second axe de réforme centré sur le financement, avec notamment un plafonnement du financement maximum « à l’échelle d’une vie » des soins médico-sociaux dont peuvent bénéficier les assurés ainsi que des modifications de la manière dont leurs ressources sont évaluées. Ces mesures ont d’abord fait l’objet d’un report en 2015, pour finalement être abandonnées en décembre 2017. Une nouvelle réforme doit être votée en 2018.
Un rapport (http://www.health.org.uk/publication/approaches-social-care-funding) publié par la Health Foundation identifie plusieurs modèles de financement possibles pour faire face aux enjeux de la dépendance. Ces modèles font écho aux solutions qui existent pour d’autres pays comme la France :
Modèle 1 : Améliorer le système existant, sans y apporter de modification fondamentale. Ce modèle vise une augmentation à court terme des ressources (via une nouvelle taxe) mais évite toute restructuration en profondeur de l’offre.
Modèle 2 : Plafonner les enveloppes attribuées au système médico-social via l’introduction d’une nouvelle taxe dédiée aux soins médico-sociaux. Cette approche implique de limiter le montant des dépenses médico-sociales aux revenus apportés par la taxe. Il s’agit d’une approche différente de celle pratiquée au sein du NHS qui imposerait un changement culturel important. Ce modèle ouvre une nouvelle source de revenus mais impose de revoir le périmètre et le contenu de l’action sociale offerte à la population.
Modèle 3 : Fusionner les budgets sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Ce modèle impose de redéfinir la manière dont, au niveau local et national, l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale est gérée. Il ne créé pas de source de revenu supplémentaire. S’agissant d’une réforme formelle du système, il ne garantit pas d’évolution concrètes des pratiques et des organisations.
Modèle 4 : Revoir les critères d’accessibilité aux prestations en les liant aux revenus (avec un pallier unique fixé à 100 000 livres sterling et incluant les économies et propriétés) et imposer un montant maximum de financement « à l’échelle d’une vie » (une personne n’aurait pas à payer au-delà d’un certain montant qui n’a pas été déterminé). Ce modèle, équivalent au Care Act, impacte les ressources disponibles en augmentant la contribution des usagers, sans revoir l’organisation du système.
Modèle 5 : Généraliser une offre des soins gratuits aux plus de 65 ans, sans limite de revenus. Ce système fonctionne en Ecosse depuis 2002. Les prises en charge à domicile y sont complètement gratuites, les prises en charge des soins et de la dépendance en établissement d’hébergement font l’objet d’une contribution fixe de la part des autorités locales. La part « hébergement » n’est pas couverte automatiquement et est soumise au niveau des revenus. Ce modèle fait évoluer le périmètre de l’offre médico-sociale mais ne propose pas de source de financement complémentaire.
Chacun des modèles est évalué en détail dans le rapport de la Health Foundation disponible ici. La Fondation ne se prononce pas sur un modèle par rapport à un autre, mais insiste sur la nécessité de réformer le système à long terme tout en ne négligeant pas les besoins de financement à court terme.
3/ Des fondamentaux à protéger
Les critères d’évaluation utilisés par la Health Foundation sont instructifs car ils mettent en lumière les fondamentaux qui doivent guider toute réorganisation de l’offre médico-sociale :
- Equité et justice du système (entre habitants et entre territoires),
- Efficience et services à la hauteur des fonds attribués (“value for money”),
- Soutenabilité et résilience du système et de l’offre de soins,
- Acceptabilité et responsabilité vis-à-vis de la population,
- Transparence et facilité d’accès aux prestations,
- Possibilité d’implémentation en Angleterre (capacité du système à se réformer).
Dans un contexte où de nombreux questionnements se posent sur le financement de l’offre médico-sociale en France, la démarche menée par la Health Foundation est particulièrement intéressante : ses analyses, si elles ne sont pas transposables en l’état, peuvent guider la réflexion des autorités. En effet, seule l’analyse détaillée des solutions offertes permettra de faire face aux pressions contraires que rencontre notre offre sanitaire, sociale et médico-sociale et de s’assurer que le système continue de jouer son rôle de protection des personnes les plus vulnérables.
Article publié en partenariat avec la Chaire du Management des Etablissements de Santé de l’EHESP
Pour aller plus loin :
- Wenzel L, Bennett L, Bottery S, Murray R, Sahib B (2018) Approaches to Social Care Funding Working Paper. The Health Foundation.
- Bevan G, Karanikolos M, Exley J, Nolte E, Connolly S and Mays N (2014) The four health systems of the UK: How do they compare? Research report. Nuffield Trust and Health Foundation.
- The Commonwealth Fund – International healthcare systems features:
- The Nuffield Trust : https://www.nuffieldtrust.org.uk/resource/autumn-budget-2017-what-it-means-for-health-and-social-care#contents
- 2017 – 2019: Integration and Better Care Fund. Policy Framework prepared by the Department of Health and the Department for Communities and Local Government
Le système sanitaire, social et médico-social de l’Irlande du Nord : l’idéal type du système de santé intégré ?
http://hopital-trotter.com/irlande-nord-lideal-type-systeme-de-sante-integre-2/
http://hopital-trotter.com/irlande-nord-lideal-type-systeme-de-sante-integre/
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