Le Centre Universitaire de Santé Mc Gill (CUSM) met en place le programme américain « Transformer les soins au chevet du patient » en impliquant concrètement les usagers dans la redéfinition des organisations de soins, en partenariat avec les équipes soignantes.
Impliquer les patients dans les processus de soins, voilà une évidence des plus complexes à mettre en œuvre si on veut dépasser la simple consultation de façade. Le Centre Universitaire de Santé Mc Gill (CUSM) s’y attelle depuis 2011 en appliquant un programme américain : « Transformer les soins au chevet du patient » (TSAC). Sa spécificité, c’est d’impliquer activement les patients dans la définition des processus au sein des services, en analysant les soins « à travers les yeux des patients ».
-
Transformer les soins au chevet du patient
Le programme « Transformer les soins au chevet du patient » (TSAC ou TCAB en anglais (“Transforming Care at the Bedside”) a été créé au début des années 2000 par l’Institut pour l’amélioration des soins (Institute for Healthcare Improvement – IHI) et la fondation Robert Wood Johnson.
Ce programme vise à transformer le fonctionnement des unités d’hospitalisation médicales ou chirurgicales en travaillant sur 4 axes principaux :
- La sécurité et l’effectivité des soins
- La vitalité de l’équipe soignante
- La place centrale du patient
- L’amélioration de la qualité des soins
La place centrale du patient est définie dans le livre blanc du programme comme sa prise en considération réelle en tant que personne à part entière, le respect de ses choix et de ses valeurs et la garantie de la continuité des soins.
Cet objectif part du constat, partagé par la majorité des soignants, que les soins offerts dans la plupart des unités hospitalières sont plus souvent définis par les contraintes des professionnels que par les besoins des patients. Avec le programme, les équipes soignantes s’appliquent, au sein même des unités, à requestionner leurs organisations de travail et à les étudier du point de vue des patients. L’information dispensée est analysée au prisme des usagers (propos compréhensibles, échéances claires, etc.), le patient est impliqué dans ses soins et un effort est fait pour rendre plus transparent le fonctionnement de l’unité (mise à disposition pour chaque patient d’un trombinoscope avec le nom, la photo et le rôle des soignants de l’unité par exemple).
Concrètement, la force de la méthode employée dans le programme « Transformer les soins au chevet du patient » tient dans l’implication concrète des patients et des professionnels de première ligne dans la définition des organisations.
-
Les conseillers en expérience patient du Centre Universitaire de Santé McGill
Le Centre Universitaire de Santé McGill, à Montréal, s’est ainsi lancé dans le programme « Transformer les soins au chevet du patient » en 2011. Patricia O’Connor, à l’époque Directrice et Officier en chef des soins infirmiers au CUSM, explique dans un rapport publié à l’occasion du Forum d’innovation en santé de l’Institut d’analyse stratégique et d’innovation que « l’objectif de la TSAC est de percevoir les soins du point de vue des patients, pour ensuite entreprendre un partenariat entre le personnel et les patients, afin de développer et de tester de nouveaux processus de travail qui diminueront le gaspillage et les inefficiences, qui amélioreront la qualité des soins ainsi que l’expérience des patients et des familles, et ce, tout en favorisant une approche interprofessionnelle ».
La méthodologie employée est simple : former les équipes des différentes unités de soins ainsi que des représentants des usagers, appelés « conseillers en expérience patient » à la méthode PDCA (Plan Do Check Act). Ces conseillers sont sélectionnés par la Direction de la Collaboration et des Partenariats Patients : insérer image
D’abord dans des services pilotes puis plus largement au sein des hôpitaux du CUSM, des équipes mixtes patients/professionnels ont été chargées d’identifier des problématiques organisationnelles et des solutions concrètes et rapides à mettre en œuvre et à évaluer. La méthode employée est cruciale et vise à une amélioration rapide du fonctionnement quotidien des unités : il s’agit de « raccourcir les cycles à l’aide de petits changements apportés aux processus, rapidement adoptés, exécutés et évalués ».
Les conseillers en expérience patient participent aux groupes de travail un jour par semaine (rappelons que, comme nous l’avait indiqué Pauline Maisani en juin, il est fréquent que ces représentants soient défrayés pour le temps consacré à l’hôpital). Une des règles que rappelle Emmanuelle Simony, co-leader du projet du partenariat patient au CUSM est qu’aucune réunion ne peut se tenir sans la présence d’un patient. Avec les équipes soignantes, ils co-développent les cycles rapides d’amélioration et participent à leur évaluation. Ils sont également chargés de faire le relai avec les patients hospitalisés, en les rencontrant pour identifier les besoins et tester les nouvelles idées.
Dans un rapport intitulé « Le Patient Partenaire », publié en 2015 à l’occasion du Forum d’innovation en santé de l’Institut d’analyse stratégique et d’innovation du Centre Universitaire de Santé McGill, Patricia O’Connor fait le bilan de ce projet. Selon elle, ce programme a profondément changé la vision des professionnels de santé sur le rôle des usagers et la pertinence de leur avis dans la révision des organisations. Brenda MacGibbon, une des conseillères en expérience patient du CUSM, croit que « la TSAC a réellement changé la culture en favorisant l’acceptation des conseillers ».
Concrètement, les actions menées ont rempli les objectifs d’efficience que s’était fixés le CUSM :
– Des réflexions sur le positionnement du matériel dans les réserves ont permis de réduire considérablement les pertes de temps en limitant les allers et venues inutiles.
– Le réaménagement d’une salle de traitement pour la chimiothérapie a permis de réduire le temps de préparation au traitement de 57 %, augmentant d’autant le temps que les soignants peuvent passer auprès des patients.
– L’introduction d’un processus d’admission pluridisciplinaire dans un service de santé mentale (infirmier, psychiatre et travailleur social) a permis de réduire le temps d’admission de 4,3 à 1 heure, d’éliminer les redondances incompréhensibles du point de vue des patients et d’améliorer la communication au sein de l’équipe.
Le projet « Transformer les soins au chevet du patient » a eu un impact majeur sur le fonctionnement du Centre Universitaire de Santé McGill parce que, comme le rappelle Emmanuelle Simony : « Les partenariats avec les patients doivent être considérés comme étant bien plus que la dernière approche en matière d’efficacité des soins. C’est une transformation fondamentale dans la répartition du pouvoir au sein du milieu de la santé et dans la définition de la mission première des systèmes de santé. Nous devons reconnaître que l’expertise en matière de santé et de maladie se trouve autant à l’extérieur qu’à l’intérieur des cercles médicaux et que le travail aux côtés de patients, de leurs familles… et d’experts d’autres domaines est essentiel à l’amélioration de la santé. »
Pour aller plus loin :
Transforming care at bedside :
- Le descriptif du programme et les outils de déploiement de l’IHI :
http://www.ihi.org/Engage/Initiatives/Completed/TCAB/Pages/default.aspx
- Le livre blanc rédigé en 2004 :
Rutherford P, Lee B, Greiner A. Transforming Care at the Bedside. IHI Innovation Series white paper. Boston: Institute for Healthcare Improvement; 2004.
- Les outils développés par la Fondation Robert Wood Johnson :
Centre Universitaire de Santé McGill :
- Le site web du CUSM :
https://cusm.ca/health-info/article/transformation-soins-au-chevet-tsac
- Le rapport intitulé « Le Patient Partenaire », publié en 2015 à l’occasion du Forum d’innovation en santé de l’Institut d’analyse stratégique et d’innovation
https://www.healthinnovationforum.org/wp-content/uploads/2014/01/Le-patient-partenaire.pdf
- Les vidéos du Forum 2015 dédié au patient partenaire
No Comments