Tous les incidents de la vie se transforment en prétexte pour une enquête de terrain quand on étudie les systèmes de santé internationaux et qu’on vit à l’étranger. Après avoir analysé en profondeur les coûts des soins aux Etats-Unis (notamment dans mon article “Le coût des soins aux Etats-Unis est-il aussi exorbitant qu’on le dit ?” et ” Concrètement, ça donne droit à quoi une bonne assurance maladie aux Etats-Unis”), je me plonge aujourd’hui dans le système de santé allemand. Voici donc un retour d’expérience sur le parcours d’un patient suite à une fracture du poignet à Berlin.
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Les urgences
Première étape après la mauvaise chute (un samedi bien entendu) : les urgences. A trois mois de notre emménagement, nous n’avons pas encore repéré l’hôpital le plus proche. Nous contactons une permanence téléphonique d’urgence (tous les médecins allemands ont l’obligation de participer à la permanence des soins qui est organisée par par l’association représentative des médecins du Land, ici KV Berlin – https://www.kvberlin.de/) qui nous oriente vers le service d’accueil des urgences (SAU) d’un des hôpitaux gérés par la Croix Rouge Allemande.
Ce SAU comprend une maison médicale de garde dont la permanence médicale est elle aussi gérée par l’association des médecins KV Berlin. La multiplication de ces “Notdienstpraxis” en complément des “Notaufnahme” résulte d’une action volontariste lancée depuis 2015. Ce système permet de réduire les délais d’attente et l’engorgement des urgences de manière sécurisée. Le triage est mutualisé avec le SAU, la consultation, radio et la pose d’un plâtre ont été réalisés en 90 minutes chrono. Nous ressortons avec le numéro du service d’orthopédie à contacter le lundi pour confirmer la date de l’opération, la plage de bloc étant déjà pré-réservée pour le mercredi.
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Le séjour hospitalier
Nous nous rendons à l’hôpital le mardi pour réaliser les formalités administratives et les consultations pré-opératoires avec un chirurgien et un anesthésiste. Tout est bouclé en une matinée dans une aile du monobloc situé au coeur de cet hôpital pavillonaire au charme désuet. Nous sommes mi-septembre et aucun test de dépistage du COVID n’est réalisé. Par contre un prélèvement salivaire vérifie la présence de bactéries multi-résistantes.
Nous appelons le service d’orthopédie la veille de l’opération pour savoir à quelle heure nous présenter. Petit couac qui me rappelle des souvenirs, après une journée à attendre à jeun nous apprenons que l’opération est décalée au lendemain. Le dîner est un Abendbrot typiquement allemand…
Légende : chaussons d’hôpital saison 2020, Abendbrot typiquement allemand et entrée de l’hôpital (avec vigile et mot de passe obligatoire en octobre).
Le service d’orthopédie est tellement semblable à un service hospitalier français que c’en est saisissant. Petite surprise, le chariot de l’infirmière est surplombé non pas d’un ordinateur mais d’un beau registre en papier sur lequel noter les constantes… Je n’en avais pas vu depuis longtemps. La sortie s’organise le lendemain de l’opération, avec un compte-rendu détaillé mais, nous rendrons-nous compte, aucune prescription.
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Le suivi post-opératoire
Le lendemain de l’opération, alors que nous voulions récupérer des antidouleurs pour compléter les quelques cachets fournis par l’hôpital, nous nous rendons compte que nous n’avons pas de prescription. Direction le médecin traitant, qui propose des plages sans rendez-vous le matin.
Je suis impressionnée par une organisation au cordeau: si la file d’attente s’étend dans le couloir d’un ancien immeuble berlinois, le cabinet est très moderne. A l’accueil, une secrétaire médicale réalise un premier tri et oriente les patients vers la salle d’attente appropriée (j’en compte plus de deux, particulièrement espacées en temps de COVID). La médecin s’entretient rapidement avec nous, vérifie la cicatrisation et nous laisse entre les mains d’une infirmière qui refait le pansement et nous donne les consignes de suivi. A la sortie, la secrétaire retranscrit les prescriptions de l’hôpital (notamment les séances de kiné). Malgré le nombre élevé de patients (plus d’une vingtaine nous précédaient à notre arrivée à 8h30 heures du matin) nous ressortons à 10h30 avec toutes les informations dont nous avions besoin.
Légende : Cabinet médical aménagé et Sanitätshaus, un lieu pour acheter tout le matériel de suivi médical.
Si le suivi kiné est classique, je découvre les Sanitätsaus, des espaces spécialisés dans la vente (sur prescription ou non) de matériel nécessaire à la rééducation et au maintien de l’autonomie. J’apprécie l’accent mis sur les matériels d’aide à la mobilité (qui explique peut-être pourquoi l’usage de déambulateurs à roue est beaucoup plus développé chez les personnes âgées en Allemagne qu’en France) ainsi que cette belle offre à l’intention des femmes souffrant de cancer).
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Fin de parcours
Un peu tard, nous réalisons qu’il faut que notre médecin généraliste établisse les prescriptions pour l’opération de retrait des matériels chirurgicaux… Nous nous orientons vers un orthopédiste, l’une des spécialités où il est possible de se rendre sans adressage du médecin généraliste en Allemagne. Ce dernier vérifie le plâtre et établit la prescription pour une radiologie de contrôle, demandée par les chirurgiens.
Le retrait des matériels se fait fait en ambulatoire après une nouvelle matinée de consultation pré-opératoires. La deuxième vague du COVID est là et l’ambiance s’en ressent : tous les professionnels portent un masque FFP2 et les salles d’attente sont largement vidées. On nous demande s’il y a des symptômes (fièvre, toux…) mais aucun test de dépistage du COVID n’est réalisé cette fois encore…
Là encore l’heure d’arrivée est confirmée la veille avec le service, arrivée à 9h30 et sortie à 14h30. Le service de chirurgie ambulatoire est composé d’une vaste salle où une vingtaine de lits d’hôpitaux sont séparés par des rideaux. Le patient est emmené au bloc dans son lit. De nouveaux, pas de prescription en sortie mais nous sommes maintenant prévenus. Un rendez-vous de contrôle a lieu le lendemain avec le chirurgien. Un supplément “patient étranger” est systématiquement facturé lors de nos rendez-vous au vu de notre allemand encore un peu vacillant.
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Conclusion et coup de cœur !
En sortie de cette immersion dans le système de santé allemand, je suis une fois de plus impressionnée par la similarité des organisations de soins à l’international. Un argument de plus pour justifier l’importance des voyages d’étude internationaux, car ce socle commun rend vraiment possible la comparaison des organisations et l’importation des meilleures pratiques.
Mon coup de cœur va aux œuvres d’art qui peuplent l’hôpital de la Croix Rouge de Westend. Cette collection unique, démarrée en 2002, compte plus de 300 œuvres et sculptures qui offrent une réelle art thérapie aux patients et à leurs proches.
Lien vers la page de l’hôpital : https://www.drk-kliniken-berlin.de/westend/kunst-im-westend
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